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Economie et Statistique n°488-489 INSEE

Etude sur les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes dans la fonction publique publiée par l'INSEE le 28 septembre 2016

Introduction : analyser les inégalités salariales entre les hommes et les femmes dans la fonction publique avec les données du Système d'information sur les agents des services publics

Yannick L’Horty et Dominique Meurs

Résumé

Plus nombreuses à travailler dans la fonction publique que dans le secteur privé, les femmes y sont en moyenne moins payées que les hommes, même si l'écart de salaires y est un peu plus resserré que dans le secteur privé. L'analyse de ces écarts de salaire repose le plus souvent sur la comparaison des moyennes des salaires horaires, sans prise en compte d'effets de structure à l'exception des différences de temps de travail. Une partie des inégalités provient du fait qu'hommes et femmes diffèrent en termes d'âge, d'ancienneté, mais aussi dans les emplois occupés ou les positions atteintes. Pour appréhender ces inégalités, il faut donc passer du constat des différences de salaires moyens à l'analyse des constituants de l'écart au moyen de techniques statistiques, ce que ne permettaient pas jusqu'ici les sources de données existantes sur les salaires dans la fonction publique. Les articles présentés dans ce dossier exploitent tout trois une base de données nouvellement disponible (le Système d'information sur les agents des services publics (SIASP)), particulièrement adaptée par son exhaustivité et la fiabilité des données individuelles collectées. Ces informations permettent, pour la première fois, de mener une analyse détaillée des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes dans la fonction publique en tenant compte des caractéristiques fines de l'emploi. Les approches retenues par ces trois études, à la fois complémentaires et très différentes, mettent en lumière des aspects variés des inégalités salariales dans la fonction publique. Malgré leurs différences, il est remarquable de constater qu'elles convergent sur plusieurs messages communs, en premier lieu la confirmation de l'ampleur des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes au sein de la fonction publique et, dans l'analyse de ces écarts, la contribution décisive de l'inégal accès entre les hommes et les femmes aux postes de responsabilité.

 

Égalité professionnelle entre les hommes et les femmes : des plafonds de verre dans la fonction publique?

Florent Fremigacci, Laurent Gobillon, Dominique Meurs et Sébastien Roux

Résumé

Dans l'ensemble de la fonction publique, la rémunération nette moyenne des femmes (en équivalent temps complet) est de 85 % de celle des hommes. Compte tenu des règles statutaires de la fonction publique, cet écart salarial reflète des différences de positionnement des femmes et des hommes dans les grilles salariales. Un positionnement systématiquement moins favorable des femmes manifesterait un phénomène dit de « plafond de verre » dans la fonction publique. Pour étudier cette possibilité, l'article applique une récente méthode de mesure des inégalités entre hommes et femmes. Le décalage relatif des positions des femmes par rapport aux hommes est mesuré par une « fonction d'accès », définie comme le rapport des probabilités pour une femme et pour un homme d'occuper un poste de rang donné dans la hiérarchie des salaires, ces probabilités étant mesurées parmi les femmes et les hommes occupant un poste de rang au plus égal à celui considéré. Pour l'ensemble de la fonction publique, l'estimation de la fonction est décroissante : pour une femme, la probabilité d'occuper une position de rang médian est de 80 % de celle d'un homme, et elle n'est plus que d'environ 30 % aux rangs les plus élevés. Cela suggèrerait l'existence d'un phénomène de type plafond de verre. Toutefois, les estimations révèlent une grande diversité des situations selon le versant de la fonction publique, la catégorie hiérarchique, le stade de la carrière (reflété par l'âge) et selon la profession. Par exemple, pour des titulaires âgés de 40 à 45 ans, il n'y a pas de différence systématique entre les hommes et les femmes parmi les magistrats ou parmi les infirmiers et cadres de santé - voire un avantage aux femmes dans la profession d'infirmier ; au contraire, dans d'autres professions (enseignants, adjoints administratifs) la fonction d'accès est continûment décroissante.

 

Les sources de l'écart de rémunération entre femmes et hommes dans la fonction publique

Chloé Duvivier, Joseph Lanfranchi et Mathieu Narcy

Résumé

Malgré un ensemble d'actions visant à favoriser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les inégalités de salaire selon le sexe persistent. Cet article identifie et quantifie avec précision les principales sources de l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes titulaires au sein des trois versants de la fonction publique. Nous mettons en œuvre une méthode de décomposition non paramétrique (la méthode de Ñopo) qui permet de surmonter les problèmes méthodologiques inhérents aux méthodes classiques de décomposition paramétriques. Cette méthode permet également d'obtenir une évaluation très précise lorsqu'elle est mise en œuvre sur une population exhaustive. C'est le cas avec les données mobilisées, issues du Système d'information sur les agents des services publics (SIASP) qui couvre de manière exhaustive les agents de la fonction publique. Les configurations inégalitaires apparaissent très différentes entre les trois versants de la fonction publique. Même si les différences en termes de nombre d'heures de travail constituent systématiquement l'une des deux principales sources de l'écart de rémunération quel que soit le versant de la fonction publique, c'est dans la fonction publique hospitalière (FPH), hors personnel médical, que ce facteur joue le rôle le plus important puisqu'il contribue à plus de la moitié de cet écart. En revanche, dans la fonction publique d'État (FPE) ou territoriale (FPT), la ségrégation professionnelle, c'est-à-dire le fait que les femmes et les hommes occupent des emplois différents, en termes de métiers, de professions et de secteurs, et de niveau hiérarchique représente la principale source de l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, contribuant à plus de la moitié de cet écart. En outre, dans ces deux versants, une part non négligeable de cette ségrégation est verticale au sens où elle provient de l'accès inégal des hommes et des femmes à certaines catégories, certains corps et grades.

 

La contribution des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes à l'inégalité des rémunérations dans la fonction publique : une approche par la décomposition des inégalités

Frédéric Chantreuil, Frédéric Gavrel, Jean-Pascal Guironnet et Isabelle Lebon

Résumé

Le Système d'information sur les agents des services publics retrace la rémunération annuelle de chacun des salariés de la fonction publique. Du fait de son exhaustivité, il constitue une base de données particulièrement intéressante pour appréhender les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Cet article s'intéresse à la contribution de cet écart à l'inégalité des rémunérations entre l'ensemble des salariés de ce secteur. On considère la rémunération nette totale reçue par chaque agent comme la somme de plusieurs éléments, l'un propre à son âge pour capter son avancement dans la carrière, un deuxième déterminé par son sexe et un dernier associé à d'autres caractéristiques ; on évalue alors la contribution du genre aux inégalités de rémunération, mesurées par l'indice de Gini, avec une décomposition inspirée de la valeur de Shapley. Cette décomposition attribue aux écarts de rémunération entre les hommes et les femmes une contribution de 10 % pour la catégorie A, 10,6 % pour la catégorie B et 11,7 % pour la catégorie C. D'importantes disparités apparaissent entre les différents versants de la fonction publique. Dans la fonction publique hospitalière, la contribution du genre est très faible hors catégorie A. Au contraire, dans la fonction publique d'État, toutes les catégories affichent une contribution du genre supérieure à 10 %, particulièrement dans les administrations centrales. Dans la fonction publique territoriale, la part des inégalités de rémunération attribuable aux différences de rémunération femmes-hommes est plus importante dans les catégories A et C que dans la catégorie B, et dans les autres établissements publics locaux que dans les collectivités territoriales.

 

 

 

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